Résumés |
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L’hypothèse initiale est qu’un changement d’épistémè, connexe à celui de la biologie darwinienne (continuité sans heurt face au catastrophisme de Cuvier), a modifié la place de l’événement dans le roman occidental, à partir notamment de Flaubert et Melville, lus comme initiateurs. Rupture dans la marche du monde, l’événement était l’élément commençant de la fiction, qui se déployait en le neutralisant à travers les codes de la ritualisation romanesque du XIXe siècle, en particulier réaliste. A la suite du naturalisme (dont la position sur ce point est très ambiguë), certains auteurs du XXe siècle ont tenté de saisir l’événement de façon beaucoup plus originaire : comme instant mystique (épiphanie de Joyce, instant de vie de V. Woolf, instant d’unicité de Broch, instant où l’on échappe à la vie inessentielle de Musil, instant qui abolit le temps de Proust), événement qui perd toute raison (Kafka), événement fondateur de l’écriture elle-même (Sarraute, Beckett). Toutes ces voies se rencontrent dans le cas singulier de la littérature concentrationnaire : le dire de l’instant catastrophique qui en est l’essence ne peut se faire que dans un présent radical de l’écriture. Certes, on peut relever nombre de persistances, ici observées dans le roman d’aventure (London, Stevenson, Conrad, Malraux, confrontés à Céline, Moravia, Perec), ou de nostalgies, ici lues dans le roman américain lié au mythe de la Frontier (Boyle opposé au mexicain Fuentes, Hawkes, Auster, DeLillo, Pynchon, jusqu’au cas si singulier de Faulkner). Nonobstant ces résistances, on conclura que certaines fictions du XXe siècle auront conduit à voir dans l’événement un élément majeur de la rythmique de l’écriture. |
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The initial hypothesis is that a change of episteme, related to the one of the Darwinian biology (a smooth continuity facing Cuvier’s catastrophism) has modified the place of the event in the Occidental novel, from Flaubert and Melville on in particular, read as initiators. Rupture in the course of the world, the event was the beginning element of the fiction, which developed by neutralizing it through the codes of the novelistic ritualization of the XIXth century, realistic in particular. After the naturalism (the position of which on this point is very ambiguous), some authors of the XXth century have attempted to seize the event in a much more original way : as a mystical moment (Joyce’s epiphany, V. Woolf’s moment of being, Broch’s instant of unicity,an instant when the unessential life is escaped (Musil), an instant which abolishes Proust’s time), an event which loses all reason (Kafka), an event founder of the very writing (Sarraute, Beckett). All these paths meet in the particular case of the concentration literature : the saying of the catastrophic moment which is its essence can be only achieved in a radical present of the writing. It is true that a certain number of persistences can be noted, observed here in the adventure novel (London, Stevenson, Conrad, Malraux, confronted to Celine, Moravia, Perec), or of nostalgies, read here in the American novel linked to the myth of the Frontier (Boyle opposed to the Mexican Fuentes, Hawkes, Auster, DeLillo, Pynchon, up to the so specific case ofFaulkner). In spite of these resistances, we can conclude that certain fictions of the XXth century have led to see in the event a major element of the rhythmics of the writing. |
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