Résumés |
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Ce travail consiste en une ethnographie des pratiques d’écriture dans la zone cotonnière du sud du Mali. Cette région se caractérise par une pluralité de filières d’alphabétisation (alphabétisation pour adultes ; école bilingue ou non ; enseignement islamique) et de langues de l’écrit (le français, langue officielle, et langue d’enseignement dominante ; le bambara, utilisé dans l’alphabétisation et les écoles bilingues ; l’arabe, aux usages surtout religieux). Passés par une ou plusieurs de ces filières, les villageois lettrés ont souvent connu d’autres socialisations à l’écrit (en contexte professionnel ou migratoire). Ces trajectoires singulières sont analysées à l’échelle d’un village, en portant une attention à la manière dont s’articulent les différentes filières par lesquelles passe un individu.L’étude des pratiques d’écriture se poursuit par une analyse des productions écrites, rapportées aux profils lettrés identifiés. L’analyse procède à partir d’un corpus d’écrits, pour l’essentiel des cahiers personnels. Ceux-ci déclinent une variété de thèmes et de genres scripturaux (recettes, comptes, chroniques, etc.). L’usage des langues de l’écrit y est très souvent mixte. Sur ce point, l’étude du mélange des langues dans les cahiers permet d’avancer que le bambara est utilisé comme langue écrite, tout en restant souvent, chez les scripteurs bilingues, subordonné au français. Le support du cahier, dans sa matérialité et dans ses usages, fait l’objet d’une analyse détaillée, qui permet d’étayer l’hypothèse selon laquelle la pratique de la tenue d’un cahier permet d’objectiver une sphère « à soi » (privée mais non intime). L’écriture apparaît ainsi comme un facteur essentiel dans la recomposition du partage entre public et privé, liée aux transformations socio-économiques actuelles de la région. |
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This research is an ethnographic approach of writing practices in the cotton-growing region of Southern Mali. The setting is multilingual; different ways of acquiring literacy are available: adult literacy classes, schooling (bilingual or not), Islamic learning. These practices involve three languages: French, the official language, still dominant as a written language; Bambara, which has been developed for adult literacy classes and bilingual schools; and Arabic, mainly used for religious purposes. Becoming literate involves studying in one or more of these educational settings, and often other experiences, especially when migrating for work in urban places. Those different experiences of writing are analysed as different “literate socializations”. These paths to literacy are considered more specifically for one village.The study of written pieces can give a deeper view of the practices villagers engage in. This study relies on the analysis of a corpus of written documents, especially notebooks. They deal with various topics and display a number of types of text (recipes, accounts, chronicles, etc.), and they are often multilingual. One result of the research is that Bambara is actually used as a written language, but writers who are also proficient in French tend to preserve the higher status of the official language.Our analysis support the hypothesis that keeping a personal notebook is a way of objectifying the existence of a domain “of one’s own” (private but not intimate).The uses of literacy are essential to understand how is currently redefined, in this area, the line between public and private. |
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